« Les Cinémas Indépendants Parisiens ont un rôle social à jouer »

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Mise à jour le 31/10/2022

Cinéma le Brady
Rencontre avec Fabien Houi, gérant du cinéma le Brady (10e) et président de l’association des Cinémas Indépendants Parisiens, qui rassemble 32 salles.

Quelles sont les missions de l’association que vous présidez ?

À l’origine, l’association des Cinémas Indépendants Parisiens, qui fête ses 30 ans cette année, avait pour vocation de s’occuper des dispositifs d’éducation à l’image. Dans les années 1990, on a créé le projet « Enfance de l’art », le premier projet de programmation mutualisé qui permet de faire découvrir des films au jeune public de 2 à 12 ans, avec des animations et des ateliers autour de la fabrication d’un film.
Pour la Ville de Paris, nous coordonnons aussi le dispositif « Collège au cinéma », grâce auquel nous touchons près de 15 000 collégiens. Nous nous occupons de former les enseignants et proposons des ateliers pour les classes ainsi que trois séances de films différents programmées chaque année. Nous organisons également des résidences d’artistes dans les collèges, dans le cadre du dispositif « Art pour Grandir » de la Ville de Paris.
Fabien Houi, président de l'association des Cinémas Indépendants Parisiens et directeur du cinéma Le Brady (10e)

Comment attirer les publics dans vos salles ?

Nous sommes soutenus pour la mise en place de projets de mise en relation avec les publics. Par exemple, nous travaillons beaucoup sur la manifestation estivale Avant-Premières, en juillet, qui nous permet de proposer à l’écran des films inédits en présence des équipes. Cela attire beaucoup de monde.
Depuis deux ans, avec la Mission Cinéma de la Ville de Paris, nous travaillons aussi sur un public « politique de la ville », avec toutes les associations réunissant les publics éloignés de la culture. La Ville a mis en place une billetterie solidaire à leur bénéfice. Notre mission ici : permettre aux spectateurs de s’approprier ces lieux de culture, qu’ils connaissent mal.
Cette relation au spectateur se veut incarnée, l’idée étant d’accompagner et de sensibiliser les publics à l’art cinématographique grâce à la médiation et à la formation des accompagnateurs. La Ville de Paris est ravie d’avoir un interlocuteur qui sait utiliser la ressource que représentent les CIP.
Et bien sûr, il y a aussi notre carte de fidélité, la Ciné Carte créée en 2017 : 28 salles se sont mises d’accord pour accepter cette carte avec des places préachetées, entre 5 et 6 euros la place, au lieu de 9 à 10 euros en moyenne. Ça fonctionne très bien, c’est une belle réussite.

En 2021, vous avez lancé le « Labo des Cinémas Indépendants Parisiens ». Qu’est-ce c’est ?

C’est notre grosse fierté du moment, une idée qui a émergé au moment du confinement. Une manière de réfléchir à d’autres solutions pour ramener les jeunes spectateurs (15-25 ans) en salle de cinéma. Il en est ressorti deux projets : le « Breakfast Club », un ciné-club itinérant programmé par des jeunes cinéphiles, issus d’écoles de cinéma ou pas, qui le porte de salle en salle, mois après mois, à raison d’une soirée mensuelle, toujours festive. Chaque année, on recrute une nouvelle équipe, on leur fait découvrir les tenants et les aboutissants de la programmation d’un ciné-club, on les aide à mettre en place des animations nouvelles… Dix salles participent cette année. C’est aussi une grande réussite !
Autre dispositif : « l’Open Screen Club », avec le même principe d’itinérance. L’idée : proposer tous les 15 jours, dans une des salles participantes, des courts métrages de maximum huit minutes réalisés par de jeunes talents. Il n’y a aucune sélection préalable, car il ne s’agit pas de juger l’esthétique : les premiers arrivés sont les premiers diffusés, soit entre 6 et 8 films par session. Après chaque film, des échanges sous forme de questions-réponses sont organisés avec la salle, et animés par Les Clara. Après la session, tout le monde se retrouver dans un bar à proximité du cinéma pour terminer la soirée, échanger… et se créer son réseau !

Quel type de films peut-on voir dans les cinémas indépendants ?

Tout dépend du cinéma ! On peut voir des blockbusters au Max Linder (9e) par exemple, où on propose du grand spectacle avec un grand écran. A contrario, on a des salles avec des programmations très pointues comme L’Archipel (10e), qui propose des films « recherches ». Ou encore des salles d’exclusivité plutôt Art et Essai comme Le Louxor (18e) ou encore le Cinéma des Cinéastes (17e).
Le Brady est une salle de continuation Art et Essai très qualitatif. Nous avons rarement des films en exclusivité, mais ils peuvent toutefois être très récents, être diffusés en deuxième ou troisième semaine. On essaye de travailler sur des publics de niche, avec une programmation LGBTQIA+ notamment.
Quant au Luminor (Paris Centre), menacé de fermeture, il serait bien dommage qu’une salle dans un arrondissement qui n’est pas équipé disparaisse. On peut déplacer un petit commerce, mais difficilement un cinéma. Et le cinéma a un vrai rôle social à jouer !

Quelles sont vos problématiques aujourd’hui, dans un contexte de crise qui touche aussi le cinéma ?

Elles changent selon les années ! L’été dernier, nous nous en étions plutôt bien sortis, il y avait un effet « sortie de crise » et les gens venaient en masse. Cette année, nous avons eu un été difficile, simplement parce qu’il n’y avait pas assez de films à l’affiche… Le problème n’étant pas la qualité, mais la quantité ! Mais je ne pense pas que l’heure soit au bilan, au diagnostic par rapport à cette crise que vit le cinéma. Il est encore difficile d’en poser un…
Un secteur en crise
Dans son rapport mensuel, le CNC alerte sur la fréquentation des cinémas, qui continuait de chuter en septembre 2022. « -20,7 % par rapport à septembre 2021, -34,3 % par rapport à septembre 2019, -33,6 % par rapport à la moyenne 2017-2019 », soit le plus bas niveau enregistré depuis septembre 1980, écrit le Centre national du cinéma et de l’image animée.
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