Avec un musée rénové, les égouts passent de l'ombre à la lumière
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Mise à jour le 17/12/2021
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Fermé pour travaux pendant plus de trois ans, c'est un musée des Egouts flambant neuf qui a ouvert ses portes en octobre dernier. Un bâtiment rénové désormais visible depuis la Seine et un parcours de visite entièrement repensé font passer les égouts de l’ombre à la lumière.
Consacrer un musée aux égouts parisiens, une idée incongrue ? Loin de là, tant on apprend au cours de sa visite que l’histoire des égouts de Paris et celle de la ville sont intimement liées. Empreints de mystère, les égouts de Paris ont toujours fasciné le public et attiré de nombreux visiteurs et visiteuses.
Du cloaque nauséabond au fleuron industriel
A la fin du 18ème siècle, le réseau d'égouts parisien, encore à l'état d'esquisse, est un authentique cloaque. Les miasmes et la maladie se répandent dans la capitale, qui subira plusieurs épidémies de choléra tout au long du 19ème. Dire que la relation des Parisien.ne.s à leur réseau d'assainissement a longtemps été conflictuelle est un euphémisme! On boit dans la capitale une eau souvent malsaine, car les nappes phréatiques et les puits sont contaminés par les fosses d’aisance, et les eaux usées rejetées dans la rue ou dans la Seine.
Nombreux·euse·s furent les hommes et les femmes de science à avoir réfléchi et travaillé sur l’égout parisien, depuis son état fangeux jusqu'à son réseau tentaculaire actuel. Parmi ces scientifiques, Eugène Belgrand tient une place à part. Appelé par le préfet Haussmann pour prendre en charge le service des eaux de Paris en 1854, il mettra en place des captages d’eau de source, et dessinera les réseaux d'eau potable et non potable qui transiteront par les égouts. Devenu directeur des Eaux et Égouts de Paris en 1867, il crée des outils assurant le bon fonctionnement des égouts, comme des engins de curage: bateau-vanne pour curer les grands collecteurs, wagon-vanne pour les petits collecteurs… Des principes de curage toujours usités de nos jours.
Les égouts de Paris sont ainsi le fruit de grands travaux lancés début 19e, motivés par le savoir scientifique et la notion de santé publique. Au fil du siècle et des avancées techniques, ils deviennent peu à peu un réseau agile, serpentant adroitement sous la ville en un réseau unitaire et gravitaire. Paris commence à respirer et à se développer. Fleuron du patrimoine industriel français, les égouts deviennent un canal d’assainissement de la capitale, tout en demeurant une source d’inspiration pour les artistes, peintres et écrivains entrainant héros et vilains au fil des boyaux du réseau souterrain…
Un lieu de visite qui intrigue et fascine
Lieu souterrain et caché, les égouts de Paris nourrissent ainsi inlassablement l’imagination des habitant·e·s de la capitale et des artistes. Ils ne sont pas qu'un simple réseau de galeries sombres véhiculant les déchets de la société, mais aussi une inépuisable source d’inspiration et de fantasmes. Comme un décor surnaturel, un labyrinthe où l’on croiserait personnages de fiction et autres animaux fantastiques… Rien d’étonnant à ce que tant de monde ait souhaité y descendre.
Bien avant la création du Musée, des visites des égouts sont en effet organisées. Dès 1867, année de l’Exposition universelle, elles rencontrent d'emblée un immense succès. A bord d'un bateau ou d'un wagon-vanne, la sortie est très prisée et attire un public varié : s’y pressent têtes couronnées, gens du monde en quête de frissons, sans oublier les ingénieurs en mission d’étude.
Mais c'est seulement un siècle plus tard, à partir de 1975, qu'un musée sera créé pour raconter l’histoire des égouts, de ses outils et machines, de ses hommes et ses femmes. Installé dans l’usine Alma, au cœur d’un site en exploitation, le site propose aux visiteurs et visiteuses un parcours de 500 mètres, sous la conduite des égoutiers. Réaménagé une première fois en 1989, le musée accueillait environ 100 000 visiteurs par an jusqu'à sa fermeture en 2018 pour rénovation.
2021 : un musée entièrement rénové
Ayant trop longtemps manqué de visibilité "extérieure", on accède désormais au musée par un nouveau bâtiment, qui se signale par une colonne couleur rouille du plus bel effet. L'on descend ensuite quelques pieds sous terre, et l'on pénètre dans une longue et spacieuse galerie totalement réhabilitée, qui est l'artère principale du musée. Sur ses parois conservant un aspect brut qui sied parfaitement à l'esprit des lieux, se succèdent des panneaux d'information formant l'essentiel du volet "exposition" de la visite : la riche histoire des égouts parisiens y est contée en détails, ses diverses phases illustrées par de nombreux visuels d'époque. Une histoire de luttes successives contre l'insalubrité, la pestilence, les rats, les microbes et les bactéries, les maladies et épidémies, et de défis relevés les uns après les autres par les ingénieur·e·s ayant œuvré sur le réseau d'eaux usées parisien.
Quelques objets d'hier et d'aujourd'hui sont égrenés en parallèle de ces panneaux informatifs, tel "l'uniforme" de l'égoutier, ou de magnifiques modèles réduits des machines qui circulent dans les innombrables galeries, notamment un "wagon-vanne" destiné à curer leur lit ensablé, que l'on retrouvera plus loin grandeur nature. Plusieurs écrans interactifs parsèment le parcours, permettant notamment de mieux faire connaissance avec les nombreux métiers intervenant dans la gestion des eaux usées, et avec celles et ceux qui les exercent, de l'égoutier·tière mettant littéralement les mains… dedans, à l'ingénieur·e surveillant la bonne marche du réseau.
On entre un peu plus dans le vif du sujet dans la seconde partie de la visite : on y emprunte des couloirs et galeries "en activité", entre collecteurs, déversoirs, émissaires, regards… L'eau circule sous nos pieds, paisible en cette période peu pluvieuse. Celles et ceux qui seraient attiré·e·s par l'aspect potentiellement fangeux et nauséabond des lieux seront déçu·e·s. Tout juste sent on là où les galeries charrient leurs eaux troubles une légère odeur d'égout (surprise !), à peine incommodante. Les murs et les voûtes ont subi un vrai lifting, et c'est la propreté du parcours qui impressionne. Aux limites de celui-ci, on découvre tout de même des parties un peu plus "dans leur jus", des canalisations couvertes de rouille et de toiles d'araignées, et des prémices de galeries s'enfonçant dans une pénombre inquiétante…
Au fil de la visite, le réseau des égouts parisiens apparait moins une "ville sous la ville", comme le voudrait le cliché, qu'une image miroir de ses structures urbaines, sous forme d'arborescence de veines et d'artères souterraines. Un monde à part entière, avec sa vie propre irriguée par les rejets du monde du dessus, un écosystème où l'être humain côtoie et tente de domestiquer une activité biologique dissimulée aux regards, qu'elle concerne les rats ou les insectes, les miasmes microbiens ou les émissions de gaz. Le musée rend hommage à ce monde englouti parfois peu ragoûtant, et à celles et ceux qui œuvrent au quotidien pour qu'il n'émerge pas à la surface, et se rappellent à notre souvenir. Sous la ville s'anime tout un univers méconnu et fascinant, que nous vous conseillons de découvrir de toute urgence.
Infos pratiques
Musée des égouts, 93 Quai d'Orsay, 75007 Paris
Horaires : du mardi au dimanche de 10h à 17h (dernier accès à 16h)
Tarifs : de 7 à 9 euros
Horaires : du mardi au dimanche de 10h à 17h (dernier accès à 16h)
Tarifs : de 7 à 9 euros
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