Le musée de la Vie romantique, une parenthèse hors du temps
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Mise à jour le 04/10/2021
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Havre de quiétude et d'élégance niché au sud de Pigalle, le musée de la Vie romantique séduit depuis 1987 tant les amateurs d’art raffiné que de cadre paisible et délicat. Tableau d’un musée à taille humaine, intimiste, que vous devez absolument (re)découvrir.
Lorsque nous le visitons un frais matin de décembre, le musée de la Vie romantique n’est certes pas paré de ses plus beaux atours, mais on imagine aisément ce qu’il peut offrir aux premiers « beaux jours » : une parenthèse gracieuse et apaisée au cœur de la furie parisienne, et un dépaysant voyage dans le temps, dans une demeure où les pendules semblent s’être arrêtées au début du XIXe siècle…
Au sens qui est aujourd’hui le sien, le mot « romantique » sied parfaitement au cadre, idéal pour inviter à un date de 18 à 98 ans, tout comme au sens premier du terme, c’est-à-dire propice à « la sensibilité, l’exaltation et la rêverie ».
Le gratin culturel parisien y était reçu
C'est en 1830 qu'Ary Scheffer, portraitiste renommé sous la monarchie de Juillet, s'installe dans cette maison caractéristique de l’époque de la Restauration, avec deux étages d’habitation surélevés sous un toit à l’italienne. Dans cet écrin lové au cœur du quartier à la mode de la « Nouvelle Athènes », le peintre reçoit dans son atelier-salon la crème de la crème du Tout-Paris artistique et intellectuel : le voisin Delacroix vient souvent prendre l'apéritif, George Sand passe avec Chopin qui s'installe au piano Pleyel, tandis que Rossini, Tourgueniev ou encore Dickens font figure d'habitués.
Après diverses transmissions familiales et changements de propriétaire, c'est l'État qui hérite en 1956 de « l'enclos Chaptal », avant que sa gestion ne soit remise en 1982 à la Ville de Paris, qui ouvre alors une annexe du musée Carnavalet sous l’appellation de « Musée Renan-Scheffer ». C'est en 1987 que le lieu prend le beau nom de « musée de la Vie romantique ». Si dans l'imaginaire, elle est peut-être celle qui incarne le plus l'établissement aux yeux du public, il est utile de rappeler que George Sand n’a jamais résidé dans la demeure.
On est bien ici chez Ary Scheffer, comme le rappellent dès le début du parcours les deux premières salles entièrement dédiées aux toiles du maître, avant qu'au rez-de-chaussée du pavillon on ne trouve les souvenirs de Sand. Les salons y restituent son art de vivre avec des peintures, dessins, sculptures, meubles, bijoux et objets de vitrine provenant de sa demeure de Nohant en Berry. À l'étage, les salles évoquent la mémoire d'Ary Scheffer comme de ses contemporains - et du philosophe Ernest Renan, devenu son neveu par alliance (précision utile).
Des expositions qui épousent les lieux
Évidemment, aussi prestigieuse que soit cette exposition permanente, qui donne au visiteur le sentiment de s'inviter dans l'intimité des plus brillants esprits artistiques de l'époque, les équipes animant la vie du musée doivent sans cesse en dynamiser l'existence, et lui assurer une « actualité » régulière. Pour le choix des expos temporaires, deux options s’offrent ainsi : soit attirer le public de façon « naturelle » avec un grand nom de l’art, soit programmer un artiste plus confidentiel, dont on va valoriser l’attractivité avec une communication adaptée.
Le lien entre le lieu, son identité, et l’exposition qui s’y déroule peut parfois être ténu, mais il existe toujours. Le travail de Markus Lüpertz, un sculpteur contemporain exposé jusqu'au 20 janvier 2019, peut ainsi à première vue éloigner des traits caractérisant le romantisme, mais c’est avant tout l’attachement au travail d’atelier, cher à Ary Scheffer, qui est ici consacré.
Son œuvre monumentale en bronze, peuplée de dieux et de héros surdimensionnés, où les formes s’altèrent et enflent, est justement le fruit d’un travail sur les rebuts d’ateliers, auxquels il donne une nouvelle vie. Ce n’est par ailleurs pas la première fois que des artistes contemporains (parfois toujours en vie !) sont mis en exergue. La programmation démontre que le musée n’est pas déconnecté de la création actuelle, et sait créer des ponts entre les époques.
Les quelques très belles expos ayant eu lieu ces dernières années restent toutefois ancrées de plain-pied dans ce que l'on appellera « l'esprit des lieux » : on se souvient avec ravissement de l'expo Redouté avec ses fleurs ensorcelantes, de celle consacrée à l’œil critique de Baudelaire, ou encore des charmes vénéneux des « Visages de l'effroi »…
Un musée pour qui tomber en amour
Mais tout autant que les artistes « résidents » ou invités ponctuellement, la véritable vedette du musée, celle qui attire en premier lieu ses habitués comme les autres, est sans doute le musée en lui-même, par son histoire, son atmosphère, et surtout par l'image qu'il véhicule, celle d’un mode de vie et d’expression artistique « à la française », censée en représenter l’essence, notamment aux yeux des publics étrangers.
Son inscription dans le mouvement romantique, qui exhale une mélancolie très tendance, tout comme, dans une moindre mesure, dans le romantisme noir, cela à une époque où l’ambiance n’est guère à la fête, y est sans doute pour beaucoup.
L’autre atout irrésistible des lieux, et ce de plus en plus ces dernières années, est son fameux salon de thé, tel un prolongement naturel du musée : en émane toujours quelque chose d'élégant et de sophistiqué, dans un cadre ombragé, calme, en un mot romantique.
Le salon est ainsi très fréquenté aux beaux jours, au point qu’il doit parfois refuser du monde. On y retrouve des habitués, des gens du quartier et, de plus en plus, des instagrameuses et des blogueuses mode, apôtres d’un lifestyle nostalgique d'une époque supposée plus romantique et artiste. L’échoppe est par ailleurs tenue par la chaîne Rose Bakery, qui a fait ses preuves dans le domaine de la pâtisserie raffinée et des produits de qualité.
Les souffrances nécessaires du romantisme…
Malgré tous ces atouts, pour le musée de la Vie romantique comme pour les autres établissements muséaux parisiens, ce que l'on nommera pudiquement la « conjoncture économique » oblige à redoubler d'efforts et d'imagination pour financer son attractivité, le défi pour, ne serait-ce que, maintenir un même niveau de fréquentation étant toujours plus relevé.
En clair, il faut aller chercher l’argent ailleurs que dans les seules entrées payantes des expos temporaires, et les revenus de la concession du salon de thé : partenariats, mécénat, privatisations (rarement en lien avec le monde des arts d’ailleurs), tournages… Deux ou trois œuvres peuvent toutefois être acquises chaque année, toujours en lien avec l’expression d’un « sentiment religieux dans la peinture », fidèle en cela à l'œuvre de Scheffer et des artistes situés dans sa lignée.
Mais la grande mission qui occupe les équipes du musée, c’est avant tout d’élargir son public, au-delà des habituels amateurs d'art, de le rendre attractif au plus grand nombre sans rien renier de l’exigence de qualité des expositions. Le développement d'activités pour les enfants, d'ateliers pour les adultes, ainsi qu'un travail sur l’accessibilité pour les personnes en situation de handicap, sont au cœur de cette démarche de développement d'une audience plus large.
Qu'il invite à la flânerie dans ses salons, ou à la rêverie mélancolique dans ses jardins, le Musée de la Vie romantique est un lieu de l'éloge du beau, en toute simplicité. Et s'il n'est pas certain, comme on peut le lire dans « l'Idiot » de Dostoïevski, que « La beauté sauvera le monde », lui rendre une petite visite fait partie de ces modestes gestes quotidiens qui, assurément, ne peuvent faire que du bien à la planète.
Musée de la Vie romantique, Hôtel Scheffer-Renan
16 rue Chaptal 75009 Paris
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